Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

PrÉSentation

  • : Politique Economique & Commerce International
  • : Analyses sur la Politque Economique "Inter"-"Nationale"...
  • Contact

adresse e-mail (courriel)

panchovillan@yahoo.com

Recherche

Archives

18 mars 2006 6 18 /03 /mars /2006 14:30


Intelligence artificielle et mondialisation

Kenneth Rogoff



On pense que c'est la montée en puissance de l'Inde et de la Chine qui va conduire l'évolution de l'emploi et des salaires au niveau mondial durant le 21° siècle. Les salariés des pays riches risquent de voir leurs revenus baisser en raison de la concurrence d'une main d'œuvre compétente et laborieuse en Asie, en Amérique latine et peut-être même un jour en Afrique. C'est une manière de voir intéressante, qui mêle enjeux humains et politiques au niveau de la planète. Pourtant, lors des prochaines décennies, c'est peut-être un autre facteur qui va peser davantage sur la répartition du travail et le niveau des salaires, à savoir la croissance exponentielle des applications de l'intelligence artificielle.

Je vois le monde de l'intelligence artificielle à travers le prisme étroit d'un jeu vieux de plus de 500 ans, le jeu d'échec. Même si l'on ne s'intéresse pas à ce jeu, considéré comme ce qu'il y a de plus accompli dans le domaine du sport intellectuel, les développements étonnants qu'il a suscités lors de la décennie écoulée ont de quoi retenir l'attention. Il est depuis longtemps au centre des recherches dans le domaine de l'intelligence artificielle. Si en théorie on peut envisager toutes les actions possibles, la complexité du jeu d'échec semble défier les limites de ce qu'il est possible de faire. Il est à peine exagéré de dire qu'il y a plus de possibilité de déplacer les pièces sur un jeu d'échec qu'il n'y a d'atomes dans l'Univers.

Durant la plus grande partie du 20° siècle, les informaticiens ont essayé sans succès de concevoir un ordinateur capable de concurrencer les meilleurs joueurs. Mais l'intuition d'un joueur et sa faculté de visualiser et de classer les coups l'emportait facilement sur l'approche strictement logique d'une machine. Les ordinateurs ont fait des progrès, mais pas au point d'atteindre le niveau des meilleurs joueurs. Du moins, le pensions-nous. Car en 1997 il y eut un événement historique qui a stupéfait le monde : la victoire de "Deep Blue", l'ordinateur d'IBM, sur le champion du monde, Gary Kasparov. Très orgueilleux, c'est peut-être Kasparov lui-même qui a été le plus étonné - au point de croire que l'équipe d'IBM avait triché. Il a lancé sarcastiquement aux journalistes qu'il avait senti "la main de Dieu" derrière son adversaire électronique.

Mais IBM n'avait pas triché. C'est la combinaison de logiciels très ingénieux et d'une architecture de calcul massivement parallèle qui a permis de développer une entité au silicium capable d'atteindre une telle finesse et une telle sophistication, au point que les plus grands joueurs d'échec (moi-même inclus) en sont restés stupéfaits. Et depuis 1997, les ordinateurs ont fait encore des progrès, au point où battre un maître d'échec ne représente plus un défi insurmontable pour les informaticiens.

Les échecs, seulement un jeu dites-vous ? Peut-être, mais laissez-moi vous dire quelque chose : il y a 30 ans, quand j'étais un joueur professionnel (j'ai représenté une fois les USA au championnat mondial d'échec), je pouvais deviner le caractère d'un joueur, rien qu'en le voyant jouer, même s'il s'agissait d'un amateur. Et jusqu'à il y a peu, je pouvais facilement distinguer un adversaire humain d'une machine. Mais tout a changé en un éclair. Les machines peuvent imiter les joueurs les plus connus, y compris leurs erreurs, au point que seul un spécialiste (et dans certains cas, seulement un ordinateur) parvient à faire la différence.

Il y a plus de 50 ans, Alan Turing, le père de l'intelligence artificielle, a dit que toutes les fonctions du cerveau pouvaient se réduire à des fonctions mathématiques et qu'un jour l'intelligence artificielle pourrait rivaliser avec l'intelligence humaine. Il prétendait que ce jour-là, un être humain ne pourrait pas savoir s'il parlait à une machine ou à un autre être humain. Le test de Turing est le Saint Graal de la recherche en intelligence artificielle. Pour moi, une partie d'échec est une forme de dialogue et j'estime que les logiciels actuels ne sont pas loin de passer le test de Turing.

A examiner quelques jeux d'échecs sur internet je ne peux pas faire si facilement la différence. Mais les ordinateurs d'aujourd'hui n'atteignent pas le niveau de Hall, l'ordinateur fou dans le chef d'œuvre de Stanley Kubrick, "2001 : odyssée de l'espace", et encore moins celui des androïdes que l'on voit dans la série des Terminator avec Arnold Schwarzenegger. Néanmoins, le niveau atteint par les ordinateurs est déjà assez effrayant.

Quelle sera la prochaine étape ? Mon emploi de professeur d'économie pourrait être menacé. Je n'ai pas de doute que dans quelques années on pourra acheter un ordinateur-enseignant de poche (peut-être même avec une image holographique) aussi facilement que l'on peut acheter aujourd'hui un ordinateur de poche qui joue aux échecs à l'égal de Kasparov.

Revenons-en à l'Inde et à la Chine. La mondialisation s'est accélérée tout au long du siècle précédent, notamment depuis les années 1980. Mais tout laisse à penser que c'est l'évolution technologique bien plus que le développement du commerce qui est la cause principale de l'évolution des salaires. C'est la technologie, pas le commerce, qui a été la grande affaire de l'économie du 20° siècle (même s'il il y a une interaction évidente entre les deux, le commerce servant à diffuser la technologie et à stimuler son évolution, mais c'est seulement une affaire de sémantique). Va-t-il en être autrement pour le siècle en cours ? Ou alors l'intelligence artificielle va-t-elle remplacer le mantra de la délocalisation ? Les joueurs d'échec connaissent déjà la réponse.


P.S.:

'Ou alors l'intelligence artificielle va-t-elle remplacer le mantra de la délocalisation ? Les joueurs d'échec connaissent déjà la réponse.'



P.V pense que:

'Mundell connait la reponse!' Et, a tous les 'Europeens', PRENEZ UN EXEMPLE!




Partager cet article
Repost0
18 janvier 2006 3 18 /01 /janvier /2006 18:17



Kenneth Rogoff nous livre ici un article PARFAIT!!!!


Et pour cela je réitère ce que Mundell voudrait et ce que j'ai dit:

"Angesichts des erstarkenden Euro und den möglichen Folgen einer Entwertung des Dollar schlägt der Wirtschaftswissenschaftler (Mundell) nun erneut seine Lieblingsidee vor, einen globalen Währungsraum einzuführen. Schon vor der Einführung des Euro-Geldes hatte er eine Währungsunion von Dollar, Yen und Euro propagiert. Würde man die Währungen aneinander binden, so würde dies für die drei Währungsblöcke zu einer stabileren Wirtschaft und zu größerem Wachstum führen. Und für die Länder, die sich der Weltwährung anschließen und ihre Währung daran binden, gäbe es durch die Ausschaltung von Währungskrisen auch größere Stabilität und bessere Handelsbedingungen."

P.-V.:Doch zuerst gemeinsame, konvergierende und realisierbare Ziele festlegen , z.B. anhand einer vorher fest definierten Diskussions-Plattform die es dann überhaupt ermöglicht einen Gedankenaustausch auszuüben, denn ohne Dialog und Debatte wird es wohl auch keine Lösungen geben. (Isch doch klar, gell?).

(on est tous dans le même bateau!)





America’s Perpetual Christmas
By Kenneth Rogoff

Has the United States transcended the laws of economics? As the New Year begins, the US continues to race ahead of its rich-country counterparts. The gargantuan US trade deficit? No problem. In 2005, it widened further, and the dollar only strengthened. Low investment and a deteriorating primary education system? Not to worry. The super-flexible US economy keeps managing to produce more with less.

Nor are there any signs of America’s economic hegemony starting to fold under the weight of maintaining its unilateral military dominance. Instead of feeling the pinch of wartime privations, like in any ordinary country, American consumers are binging as if it were Christmas all year round.

There are those who truly believe in the idea that America is exceptional. Those true believers argue that America’s consumers can long pursue their spendthrift ways because their country’s economy is better than everyone else’s. The US labor market is more flexible than Europe’s, enabling it to react more nimbly to the ever shifting sands of globalization. And, unlike most countries, especially in Latin America and Asia, the US system ruthlessly prunes weak corporate leadership.

Moreover, the true believers cite America’s better-funded and hyper-competitive university system, which sucks in a disproportionate share of the world’s top students and researchers. Many ultimately choose to immigrate to America permanently, and it is relatively easy for them to do so, thanks to a society that still welcomes outsiders with open arms (even if things have become more difficult since 2001). On top of all this, the US military, rather than being a burden, feeds the country’s technological superiority by subsidizing basic research.

By contrast, skeptics hold that the US economy already contains the seeds of its own socio-economic decline. They point to worsening income inequality, as images beamed worldwide from post-hurricane New Orleans illustrated all too clearly. Poor children do not have reasonable access to health care. Nor are the non-poor faring particularly well, as wage growth has remained virtually flat for a very long time, even as corporate profits are booming.

Indeed, this disconnect may explain why polls do not give President Bush the credit for economic management that his strong record would seem to merit. Nor does it help Americans’ mood that they spend far more of their lives working than do citizens in Europe or, these days, even Japan. All of these factors place deep stresses on the social fabric which, so the skeptics argue, will ultimately play out in the political arena.

Interestingly, both sides cite America’s gaping trade deficit – believe it or not, the US is soaking up two-thirds of global excess saving – to support their arguments. The true believers view the deficits as evidence that the world recognizes how special the US is and wants to buy in. Skeptics see an empire living on borrowed money and borrowed time.

So which is it? In my view, those who think that America is about to collapse are likely to be disappointed. Nevertheless, I suspect that the age of American exceptionalism is near an end, and soon per capita income in Europe and Japan will approach that of the US, rather than falling farther behind. Though the next few years are likely to underscore some of the weaknesses that the skeptics highlight, the end will come mainly because other countries will find creative ways to mimic the most effective US institutions, albeit within their own legal, political, and social frameworks.

We would do well to recall how, at the beginning of the 1990’s, book after book was still being written urging US and European corporations to imitate Japan or face certain doom. The last 15 years have of course revealed deep flaws in Japan’s financial system. But another major factor contributing to Japan’s decline was that firms elsewhere began adopting Japanese methods, such as just-in-time supply chains. Surely, imitation will someday impinge on superior US growth performance as well.

Perhaps the biggest weakness in the true believers’ argument is the trade deficit. For the moment, America’s ability to borrow vast sums at low interest rates acts like a huge dose of steroids on the economy. It artificially props up consumption growth and allows the government to defer hard choices between taxes and military expenditures. At some point, the party is going to end.

The unwinding of the US economy might even begin in 2006, particularly if Japan continues to grow out of its doldrums, the US housing market softens dramatically, and Europe’s economic recovery accelerates. Individually, these are each highly plausible scenarios, and collectively they would hit the US trade deficit like a perfect storm.

Perhaps the end will come in a different way, but it is difficult to imagine the age of US exceptionalism lasting indefinitely. Can the end come abruptly in 2006? This is not the most likely scenario, but it is not unthinkable.



Partager cet article
Repost0
4 janvier 2006 3 04 /01 /janvier /2006 01:50


Dédicace de Pancho Villa:



It's Raining Again

It's raining again
Oh no, my love's at an end.
Oh no, it's raining again



à Ken Rogoff qui a écrit dans le FT (qui est à mon avis en tant que quotidien de loin le top du top):



'In today’s benign environment of global growth, anyone who cautions that good times might end is a heretic. What if Pharaoh had beheaded Joseph for daring to suggest higher taxes during the fat harvest years so people would not starve during the lean ones? Instead, Egypt’s leader cast his lot with the world’s first recorded business cycle theorist and the rest is, well, history. But are our leaders today preparing for the inevitable downside of the cycle? I wonder.


Let us first acknowledge that we are indeed living in boom times. ... Moreover, under­pinning this ... are numerous positive developments. First and foremost ... is the continued rise of Asia (especially China) with huge and diverse benefits for the global economy. Second, thanks to greater independence, improved ­policy ... and ... globalisation, central banks have been enormously successful at bringing down inflation. This is a worldwide phenomenon... Third, most countries have ­experienced a clear trend decline in income volatility over the past 20 years... Fourth, long-term interest rates are back to 1950s levels, due partly to a temporary global investment shortfall.

...(Je censure)

Low interest rates, in turn, have underpinned a worldwide housing boom. Together with reduced output ­volatility, they have helped bring down risk spreads on virtually every kind of debt, not least that of emerging ­markets. ... Still, are the risks to the fat years as low as most markets and policymakers now perceive them to be? It does not take a prophet to think of things that might go wrong.

...(Je censure)

The number one risk to global growth ... has to be ... a terrorist incident involving weapons of mass destruction. ... Imagine, for example, that nuclear material were found in a container ship headed into New York. (Perhaps ... it might be found wrapped in one of the multitudinous bales of marijuana smuggled into the US every day.) Even if catastrophe were forestalled, governments would almost surely start treating container shipments with the same indignity now accorded to airline passengers. The ensuing delays would wreak havoc across ... global supply chains, effectively constituting a huge tax on global trade.

Equally problematic would be a meltdown in one of the world’s many hotspots, for example in the Middle East, North Korea or the Taiwan Strait. Imagine that a military standoff led to a sustained pause in shipping from greater China. A pandemic such as avian flu could cause similar problems, by interfering with the movement of individuals both within and across ­borders.

Markets seem to fantasise that the US Federal Reserve would simply step in in the event of a catastrophe and sharply cut interest rates as it did after September 11, 2001. But a sustained blow to the global transportation network would have far more dire economic implications than a localised disaster. Is anything being done to prepare for this risk? Perhaps, but in practice, any implementation of contingency planning is likely to be woefully ad hoc, as Hurricane Katrina illustrated.

As good as the economic fundamentals are, it is easy to find ... vulnerabilities. Top of the list has to be global housing prices – which are not actually all that close to earth any more. ...[In] China, the leadership there still faces a delicate social, economic and political balancing act to sustain the country’s break-neck development pace. ... A pause in China’s growth would have huge global implications for commodity prices, inflation and productivity. Then there is energy. Yes, the run-up in oil prices over the past two years seems to have had a relatively modest effect on global growth. ... Still, oil has not lost its ability to sting. ... Lastly,... explosion of unregulated hedge funds and the widespread use of derivatives such as credit default swaps pose risks that are simply impossible to calibrate until the system is stress-tested. ...

...


In the light of these and other risks, today’s policy climate seems marked by a discouraging level of political paralysis. The US is running a substantial budget deficit in spite of a booming economy. In Europe, reforms are at a standstill. Asia needs more flexible exchange rates to share the burden of global imbalances and, in Latin America, reform paralysis in major countries has produced tepid growth in spite of a phenomenally supportive global backdrop. The common-sense biblical wisdom of using good times to prepare for worse ones does not seem to have many adherents these days. Perhaps that complacency is the greatest risk of all.
'


Partager cet article
Repost0
28 décembre 2005 3 28 /12 /décembre /2005 22:21




LE POINT DE VUE DE

KENNETH ROGOFF


Le nouveau monde des matières premières


Si le grand économiste argentin Raul Prebisch était  vivant aujourd'hui, il ne fait aucun doute qu'il se demanderait si le monde s'est mis à tourner à l'envers. Sa théorie largement influente de la dépendance avançait que si les pays pauvres se reposaient trop sur les exportations de matières premières, ils n'atteindraient jamais le niveau industriel nécessaire pour soutenir une croissance rapide. Ils s'embourberaient à la place dans un cycle de déclin mondial des prix des matières premières et de réduction sans fin de la part des revenus.

La réponse favorite de Prebisch, le protectionnisme, s'est révélée désastreuse pour les nombreux pays d'Amérique latine et d'Afrique qui l'ont suivie. Mais le fait est que pendant des années Prebisch semble avoir eu la réaction juste au sujet des tendances des prix des matières premières sur le long terme. Les gains permanents d'efficacité dans les secteurs de l'agriculture et de l'extraction des ressources naturelles ont fait baisser les prix des matières premières, surtout dans les années 1980 et 1990. A quelques exceptions près, les pays qui se sont concentrés sur les exportations de matières premières n'ont obtenu que de piètres résultats, alors que les pays asiatiques ne disposant que de peu de ressources ont fait des progrès rapides.

Aujourd'hui, cependant, avec les géants asiatiques, l'Inde et la Chine, qui rejoignent l'économie mondiale les prix de l'essence, del'or du blé (lequel?) et de pratiquement toutes les autres matières premières explosent. Certes, il y aura toujours des cycles (le prix du pétrole, par exemple, chutera sans doute à nouveau avant de recommencer son ascension) mais la tendance à long terme de nombreuses matières premières restera clairement à la hausse pour quelque temps encore.

Ce que de nombreux négociateurs commerciaux et autres décideurs n'ont pas semblé reconnaître encore, alors que Prebisch l'aurait compris tout de suite, c'est que ce brusque retournement de situation comporte d'énormes implications pour l'équilibre mondial des pouvoirs. En effet, aucun autre aspect de la mondialisation économique ne lancera de plus grands défis aux dirigeants du monde au cours des décennies à venir.

Les questions sont nombreuses. Les pays riches sont-ils préparés à entrer dans une période de codépendance, dans laquelle ils seront tout aussi désespérément demandeurs de matières premières que les pays en voie de développement le sont de produits industrialisés et de technologies ? Sont-ils préparés à l'inévitable flux de pouvoirs et d'influence vers les pays producteurs de matières premières à mesure que ceux-ci s'enrichiront ? Comment les deux superpuissances du monde, la Chine et les Etats-Unis, vont-elles gérer le fait que d'importantes régions exportatrices de matières premières d'Afrique et du Moyen-Orient vers l'Asie centrale soient couvertes d'Etats-nations mal formés ?

Certains prophètes autoproclamés exposent le problème comme celui des limites des réserves naturelles, et prétendent que les matières premières les plus critiques diminuent à une vitesse alarmante. De nos jours, nombreux sont les adeptes de la théorie « du pic de Hubbert » de la production de pétrole, qui soutient que nous avons atteint les limites supérieures de nos capacités de production, que les puits s'assèchent et que la situation ne peut que se dégrader.
Cependant, comme l'indique ]'éminent historien du pétrole Dan Yergin, les oiseaux de mauvais augure ont clamé que les ressources en or noir étaient sur le point de se tarir au moins quatre fois déjà. A chaque fois, de radicaux progrès technologiques ont fait s'envoler ces menaces. A la fin des années 1800, l'extraction pétrolière impliquait de draguer avec des mulets. Aujourd'hui, forer à 3.000 mètres sous le sol des océans semble naturel à tout le monde.

Non, le monde n'est pas confronté à une pénurie prochaine de matières premières. En réalité, il se passe que l'intégration de 2.5 milliards de personnes (la Chine et l'Inde) dans l'économie mondiale produit un déplacement de la demande susceptible de mettre bien plus de pression sur la hausse des prix des matières premières qu'aucun gain technologique ne sera sans doute capable de contrebalancer. Par conséquent, et ce au moins pour cinquante à soixante-quinze ans. et peut-être même jusqu'à ce que les humains se mettent à forer sur Mars au cours des siècles à venir, les prix de nombreuses ressources naturelles vont monter.


Le nouvel équilibre des puissances économiques qui en résultera va-t-il déstabiliser la situation politique mondiale ? La Première Guerre mondiale a été en partie déclenchée par l'inquiétude de l'Allemagne devant l'accaparement par les autres puissances coloniales d'une trop grande part du pétrole mondial et des matières premières. De même, pendant la Seconde Guerre mondiale, le Japon a craint pour la stabilité de ses fournitures en pétrole et autres ressources naturelles venues de l'étranger. De telles tensions vont-elles apparaître entre la Chine aux ressources incertaines et l'Occident?

Heureusement, cela ne semble pas vraisemblable pour le moment, notamment au vu de l'approche aussi sobre que pragmatique des problèmes de ressources de leur pays manifestée par les dirigeants chinois. Les Chinois se tournent vers des régions comme l'Afrique dans l'espoir de trouver des partenaires commerciaux stables. Ils ne partagent pas l'évangélisme politique des Américains, qui ne veulent pas seulement faire du commerce avec les exportateurs de matières premières, mais veulent aussi les convertir.

Et puis il y a ces dirigeants américains qui parlent encore de rendre les Etats-Unis autosuffisants en termes de ressources énergétiques. C'est une plaisanterie : suffisants, peut-être, mais autosuffisants, jamais. Une grande partie du monde arabe pense, et c'est compréhensible, que l'invasion de l'Irak constitue la pierre angulaire de la stratégie américaine visant à se procurer des ressources énergétiques stables. S'ils ont raison, on ne peut qu'espérer que l'Amérique a une solution de secours.

En attendant, les prix des matières premières vont continuer d'augmenter et les exportateurs de pétrole constituer les plus grands contributeurs au déficit commercial géant des Etats-Unis. Peut-être la vraie stratégie américaine consiste-t-elle à essayer de devoir aux pays exportateurs de pétrole tellement d'argent que ceux-ci deviendront dépendants du bonheur qu'ils procurent à l'Amérique ! Voilà un tournant que Prebisch n'aurait jamais prévu.


Partager cet article
Repost0

Pages